Guillaume Musso : « J’essaie de me libérer de tous les rituels, de ne pas avoir de fétichisme… »

INTERVIEW. Il est l’auteur français le plus lu dans le monde. C’est l’une des premières choses que les journalistes écrivent généralement sur Guillaume Musso qui vient de publier Un Appartement à Paris (XO Editions), son quinzième roman. Un thriller inattendu, et tendu, qui se déroule entre Paris et New York, et s’intéresses à la peinture et aux graffeurs. J’ai voulu en savoir plus sur cet écrivain qui aime autant Stephen King qu’Alain Fournier. Guillaume reçoit dans son bureau, au 47ème étage de la Tour Montparnasse, avec une vue spectaculaire sur Paris, comme une toile immense. Il parle doucement, bute parfois sur les mots, les yeux plissés. Attentif, et bienveillant.

 

PS… J’ai divisé cette interview, très longue, en plusieurs parties pour en faciliter la lecture.

 

Vous souvenez-vous du premier livre qui vous a vraiment marqué ?

Guillaume Musso : Ce sont Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë (publié en 1847 sous le pseudonyme d’Ellis Bell). Le souvenir est très net. J’avais 11 ans. Nous sommes en vacances chez mon grand-père, en famille. Et l’électricité tombe en panne. La télévision ne fonctionne plus, et j’avais beau être le fils d’une bibliothécaire, je ne m’intéressais qu’aux bandes dessinées. Et je n’avais que deux livres à disposition, un sur les mémoires du général de Gaulle et l’autre, qui appartenait à ma mère, d’Emily Brontë. J’ai eu un coup de foudre, et même si l’électricité est revenue très vite, j’étais plongé dans ce livre. Je l’ai lu en trois jours. Je me demandais comment elle faisait pour me transmettre autant d’émotions. Ce jour-là, j’ai découvert qu’avec les livres je ne serai plus jamais seul. Aujourd’hui, en 2017, alors que nous sommes tous cannibalisés par les images, un livre permet toujours de se faire son propre film.

 

Etiez-vous un petit garçon qui racontait déjà des histoires aux autres ?

G. M. : Ce n’était pas trop mon genre. J’ai découvert que je pouvais émouvoir les autres en écrivant à l’âge de 15 ans. Un de mes professeurs avait organisé un concours de nouvelles que j’ai remporté. J’étais très influencé par les livres de Stephen King, les films Alfred Hitchcock ou encore Alain Fournier (Le Grand Meaulnes). Mon texte s’appelait Fenêtre sur rue, en clin d’œil assumé à Hitchcock. Quand je me suis aperçu que je pouvais avoir un impact sur les autres, cela m’a marqué. Tout comme la bienveillance de ce prof. D’ailleurs, je l’ai été moi-même plus tard pendant dix ans. Ce qui est curieux, c’est que je n’en avais jamais eu l’idée avant, et là c’était dans un cadre scolaire, c’était donc autorisé. J’avais l’impression que mon texte était assez transgressif et que j’allais me faire engueuler et c’est l’inverse qui s’est produit. Le prof m’avait dit que c’était bon, et les élèves aussi.

 

Parce que vous aviez lu ce texte en classe ?

G. M. : En fait, chacun passait ce qu’il avait écrit aux autres et nous votions pour celui que nous trouvions le meilleur.

 

Comme un plébiscite ?

G. M. : Oui. C’était d’autant plus inattendu pour moi qu’à l’adolescence, on se pense différent des autres, incompris… Et il y a eu cette bonne surprise.

 

Est-ce que cela vous a collé une étiquette d’écrivain auprès de vos camarades ?

G. M. : Non… J’étais bon élève mais on ne m’a pas collé cette étiquette. C’était un lycée avec un environnement plutôt bienveillant.

 

Avez-vous eu des bonnes notes au bac de français ?

G. M. : Je crois me souvenir que j’ai 12 à l’écrit, 18 à l’oral. A l’écrit, c’était un commentaire composé sur un texte d’Albert Cohen, Belle du Seigneur, qui est devenu après l’un de livres culte. Je l’ai acheté en rentrant de l’épreuve. Je me revois sur ma mobylette, mon vieux 103, et m’arrêter à la librairie pour le dénicher en Folio. Et je suis tombé amoureux de ce texte que j’ai offert un nombre incalculable de fois.

 

Sur ce blog, Thrillermaniac, je m’intéresse aux « mystères » de l’écriture. L’un des premiers écrivains que j’ai interviewé, est Franck Thilliez…
G. M. :
Frank en parle bien. On s’échange souvent des textos quand on aime un livre. C’est quelqu’un dont j’apprécie autant le travail que la personnalité…

 

Je crois savoir que vous n’écrivez pas chez vous…

G. M. : Non, jamais.

 

Alors, où travaillez-vous ?

G. M. : Pendant un moment, j’ai loué un atelier d’artiste rue Campagne-Première à Paris, près de Montparnasse. Elle est connue, c’est là que meurt Belmondo à la fin d’A Bout de Souffle. Aujourd’hui, j’écris dans mon ancien appartement que j’ai transformé. Mais je peux aussi écrire en voyage. C’est Stephen King qui dit que : « Ecrire, c’est comme fermer une porte pour s’extraire du monde et s’isoler… » Cela peut être aussi en écoutant de la musique. Il n’y a pas de règles. J’essaie de me libérer de tous les rituels, de ne pas avoir de fétichisme dans l’écriture sinon cela devient des boulets. Simplement, j’essaie de travailler régulièrement.

 

Pendant très longtemps, vous avez écrit la nuit…

G. M. : Oui, je rentrais à 18 heures du lycée quand j’étais professeur, je corrigeais mes copies. Et je m’y mettais à 21 heures jusqu’à 3 heures et demi du matin. Je me levais à 6 heures et demi. Ca va très bien quand vous avez 25, 29, 30 ans. Après, cela devient impossible.

 

La nuit, c’est aussi avoir la sensation d’infini pour soi…

G. M. : Tout à fait. Mais à cette époque, je n’avais pas vraiment de vie personnelle. C’était assez dur. La première année après avoir rencontré ma femme, quand on a commencé à vivre ensemble, je lui avais dit : « Tu sais, j’écris. C’est assez compliqué pour moi… Je travaille beaucoup. Je suis plutôt un extensif qu’un intensif. » Et elle m’a dit : « Ok, mais finalement, tu passes plus de temps dans un univers imaginaire avec des personnages de papier que dans la vraie vie, avec tes amis, ta famille… » Et j’ai eu cette prise de conscience qui m’a donné d’ailleurs l’idée d’un roman, La Fille de Papier, qui raconte l’histoire d’un écrivain qui a le syndrome de la page blanche et qui voit surgir un jour sur sa terrasse une femme nue. C’est l’un des héroïnes de ses précédents livres… Après, si vous voulez avoir une vie de couple, une vie familiale, vous apprenez à faire différemment, à avoir des horaires de bureau. C’est ce que je fais maintenant.

 

Pour revenir à l’endroit où vous écrivez aujourd’hui, votre appartement parisien, à quoi ressemble-t-il ? Y-a-t-il une table spéciale ? Des post-it, des photos au mur ?

G. M. : Moins il y a de choses, mieux c’est. Tout est très épuré. C’est un lieu pour éviter les distractions.

 

Franck Thilliez a des appareils de musculation dans son bureau, Jacques Expert travaille sur un bureau qui appartenait à Francis Ford Coppola, Bernard Minier a une fenêtre qui donne sur un jardin, et vous, franchement, rien de particulier ?

G. M. : Non, rien. Justement, il n’y a pas de vis-à-vis. C’est un très bel endroit, très épuré, mansardé, même la terrasse n’offre qu’une vue sur le ciel… (Il rit).

 

(2ème partie à venir)

 

Propos recueillis par Frédérick Rapilly (mai 2017)

 

 

Photo @emanuele scorcelletti

Photo @emanuele scorcelletti

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