Nicolas Beuglet : "Ma prof de français s'inquiétait, trouvait que j'allais un peu loin..." (Quais du Polar 2019)

INTERVIEW.  Il a longtemps travaillé pour la télévision, publié un premier roman sous un autre nom (Sker)… Deux ans après le succès du Cri, un thriller nordique et scientifique publié chez XO Editions, Nicolas vient de sortir Complot, le 2ème volet très attendu des aventures de son héroïne, l’inspectrice Sara Geringën, une norvégienne passée par les forces spéciales. Mobilisée cette fois sur une enquête où se mêle l’ésotérisme et les combats féministes. Jusqu’à une conclusion assez inattendue.

 

* Nicolas est en dédicace les 29, 30 et 31 mars à Lyon pour Quais du Polar et participe à plusieurs rencontres, dont "Le nord vu d'ailleurs" au grand salon de l'Hôtel de Ville le dimanche 31 de 14 à 15h avec Mo Malo, Ian Manook et Jan Costin Wagner. 

 

Si je te demande quel est ton premier souvenir en tant que lecteur, ou le plus marquant, quelle est l’image qui te vient en tête ?

L’Histoire Sans Fin de Michael Ende. Je me souviens d’une couverture sombre avec le logo dans lequel s’enroulait un serpent. C’est immédiat. J’étais tellement concerné par l’histoire que je me sentais comme si j’évoluais dans un monde parallèle. Je devais avoir 12 ou 13 ans, j’étais en 5ème. C’était le premier livre dont j’avais l’impression de percer les secrets, d’entrer dans une sorte de communauté. Il a beaucoup nourri mon imagination.

 

Qui étaient, ou qui sont tes auteurs favoris ou de référence ?

Il y a en très peu parce que je lis surtout des documents et des essais. Pour mon dernier thriller, Complot, j’ai beaucoup potassé la mythologie grecque, notamment une collection d’ouvrages de Luc Ferry. J’ai aussi relu La Bible, Le Coran et des bouquins sur la Préhistoire et les origines de l’Humanité. Sinon, côté roman, je suis plutôt Dostoïevski : Les Démons, Crime et Châtiment…  Celui-ci est haletant, autant qu’un thriller, et a été publié, découpé à la serpe, dans un journal russe (Le Messager russe, en 1866).

 

As-tu un livre fétiche que tu recommandes, que tu relis, que tu offres ou que tu rachètes sans cesse ?

Il est tout griffonné, annoté, abîmé. Il s’agit de La Mal-Mesure de L’Homme de Stephen Jay-Gould, un biologiste qui s’est attaché à passer en revue les préjugés qui ont conduit les scientifiques à commettre tant d’erreurs. C’est passionnant. J’ai le même exemplaire depuis toujours.

 

Enfant ou adolescent, est-ce que tu racontais des histoires aux autres ?

Plein… Tout le temps. Je faisais des jeux de rôle, et j’étais le maître du jeu. Pour moi, c’était naturel. Je prenais un plaisir infini à guider les autres joueurs dans mes scénarios.

 

Te souviens-tu de ta première histoire « publiée » ?

Publiée, je ne crois pas mais j’avais fait une rédaction à propos de L’Histoire sans fin en classe de français, et il y avait eu un souci. La prof avait appelé mes parents pour leur dire qu’elle trouvait que j’allais un peu loin. Sinon, bien plus tard, j’ai du avoir un 12/20 au bac.

 

Où écris-tu ? A quoi ça ressemble ?

J’ai un bureau qui n’est pas fermé, une table en fait avec un ordinateur, mais si c’est clair dans ma tête, j’écris n’importe où. Du temps où je travaillais encore à M6, j’écrivais sur mon temps de pause déjeuner, 30 minutes si je pouvais. J’utilisai la contrainte de temps. La seule chose, c’est que je n’écoute jamais de musique pendant que j’écris, je considère que c’est mon rôle d’auteur de transporter mes lecteurs. Et pas autre chose.

 

 

As-tu des rituels d’écriture, des tics avant de te lancer ?

Non, je prends ce que j’ai sous la main. Je suis très pratique et pas du tout superstitieux. L’idée du Premier Crâne, mon  tout premier roman (publié sous le nom de Nicolas Sker en 2011 aux éditions Michel Lafon), m’est venu en regardant la surface d’un lac. Pour Le Cri, c’était une question que je me posais sur les origines de la vie. Généralement, je pars d’un sujet dit « profond », et je me documente, je cherche, je lis les différentes hypothèses, et j’essaie à mon petit niveau de trouver de solutions. En fait, je ne commence à écrire que lorsque j’ai trouvé la fin de mon livre. En gros, le processus c’est : « Question ? », suivi de « Réponse. »

 

D’où viennent tes histoires alors ?

C’est compliqué à expliquer. Pour te donner un bon exemple, j’ai fait un burn-out quand je travaillais pour la télé, et j’ai du m’arrêter pendant un temps assez long, un an. Et j’ai expérimenté des états psychiques de "dé réalité", des expériences métaphysiques qui m’ont laissées assez traumatisé. Je me suis alors demandé d’où venait tout cela, et si c’était une « histoire » plus vieille que la mienne, que ma propre histoire. Comment cela m’aurait été transmis ? Comment serait-ce possible ? J’ai commencé à me renseigner, à faire des recherches, à lire Carl Gustav Jung, et me faire à cette idée que : nous ne sommes pas nés aujourd’hui, nous portons la mémoire de notre espèce, de nos ancêtres, et même des premières molécules… Jusqu’où peut-on remonter ? Une fois que j’avais cela en tête, je n’ai pas pu commencer à écrire tout de suite Le Cri. J’avais trop peur, l’idée était trop effrayante. Et puis les années sont passées, j’ai rencontré ma femme, nous avons eu une fille, et la famille que tu constitues, que tu fabriques, finit par donner du sens aux choses. Je me suis senti pus fort et j’ai écouté ma femme qui m’a dit : « Ecris-le. » Voilà, je n’ai rien résolu mais j’ai pu me remettre à écrire.

 

Te déplaces-tu sur les lieux de tes « crimes », pour « voir » tes romans ?

Si j’étais Harlan Coben, dont les histoires sont très recentrés sur des lieux qui lui sont familiers, je dirais oui mais je suis Nicolas Beuglet et mes intrigues se déroulent loin de là où je vis. Alors, je me documente, je scrute des photos trouvées sur Internet, je me fais envoyer des images par des gens sur place. C’est ce que j’ai fait pour des passages de Complot qui se déroulent au Liban. Le fait de ne pas y aller m’autorise à en rêver, et à récréer ces endroits sur le papier.

 

Comment construis-tu tes personnages ? As-tu une méthode en particulier ?

J’y passe beaucoup de temps. Pour moi, c’est essentiel. Je ne pars jamais de personnes existantes. Pour Le Cri, l’inspectrice Sarah Geringën est une sorte de contrepied. Je n’aime pas ces flics alcooliques que l’on croise dans tant de romans. Je voulais que Sarah ait de la chair. J’ai donc écrit d’abord toute son histoire personnelle : d’où venait-elle ? Ce qui l’animait. A la fin, je connais tout d’elle. Sarah a presque une vie autonome. Il m’est arrivé de me réveiller un matin où on se gelait à Paris, et de me dire : « Elle doit avoir froid. Quel temps fait-il en Norvège ? » C’est très amusant et très troublant comme sentiment.

 

 

Quelle suite pour Le Cri, en dehors de Complot ? Est-ce que la télé ou le cinéma s’y intéresse ?

Un producteur télé s’est penché dessus. J’attends d’en savoir plus. Et  comme tu le sais, ça peut prendre beaucoup de temps.

 

 

Propos recueillis par Frédérick Rapilly (juin 2018)

 

 

 

 

Nicolas Beuglet : "Ma prof de français s'inquiétait, trouvait que j'allais un peu loin..." (Quais du Polar 2019)
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Personnaly © 2014 -  Hébergé par Overblog