Harlan Coben « Mes livres ? J'aime les avoir écrit, pas les écrire. »

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Champion des ventes en France, le romancier Harlan Coben, 49 ans, a sorti le 8 mars 2011 Faute de preuves. Du haut de son 1,90 mètre, ce géant tranquille parle sans détour de son métier d’écrire. Une occupation à quasi plein temps pour un auteur qui a pris le rythme de publier un livre par an. Dans Fautes de preuves, il emporte ses lecteurs dans l’un de ses fait-divers qui font le quotidien de l’Amérique, l’arrestation en direct d’un supposé pédophile au cours d’une émission de télé réalité. Mais Wendy Tines, la journaliste qui a piégé Dan Mercer, va s’apercevoir que les choses ne sont pas si simples…

  

Est-ce exact que l’intrigue de Faute de Preuves vous est venu en regardant une émission de télé réalité en famille ?

 Oui, c’est vrai. C’est la première fois que cela m’arrive. Je zappais comme d’habitude devant le poste quand je suis tombé sur ce programme, To Catch a Predator (diffusé aux Etats-Unis sur NBC), qui filme des arrestations de supposés pédophiles. Mon cerveau s’est mis à turbiner, et je me suis demandé : « Et si cela arrivait à un de mes amis ? Si cela m’arrivait à moi, et que j’étais innocent ? » Tous mes livres fonctionnent ainsi : « Et si ? »

Est-ce que le fait que la télé réalité soit souvent un genre décrié était important pour vous ?

Pas du tout. C’est hors sujet. Je n’ai pas fait ce livre pour dénoncer la télé réalité, ou la télé en général. Je la regarde très peu, à part Survivor que je visionne en famille avec mes enfants (Koh-Lanta en version française).

Ce roman traite aussi beaucoup de l’Internet et de la cybercriminalité. Ce n’est pas la première fois que vous vous intéressez à ce sujet dans vos livres. Êtes-vous un gros utilisateur, avez-vous d’ailleurs un profil sur Facebook ?

 Quand on est un romancier qui prétend parler du monde d’aujourd’hui, il faut traiter de ce qui fait le quotidien des gens. L’Internet en fait partie. J’ai plusieurs profils sur Facebook. J’avais commencé une page personnelle pour rester en contact avec mes amis, mais je me suis rendu compte que j’étais limité à 1500 contacts, et que cela me prenait beaucoup de temps. Et ce temps, j’en ai besoin pour écrire mes livres. Donc, j’y vais de temps en temps, mais je ne suis pas un mordu de technologie. Par contre, je suis comme tout le monde, quand je dois rencontrer quelqu’un, je le « google-ise » comme une jeune fille le fait pour son premier rendez-vous amoureux. C’est devenu un réflexe commun dans nos sociétés.

Vous dîtes écrire dans les coffee-shops et les bibliothèques. Est-ce que vous « écrivez » sur ordinateur ou en utilisant une feuille et un stylo ? Avez-vous des rituels, des routines d’écrivain ?

Aucune. Si… J’en ai une seule. Je ne peux pas écrire chez moi. Il faut que je quitte la maison sinon je trouve toujours quelque chose de mieux à faire chez moi. Mais quand j’écris, j’utilise sans distinction mon ordinateur portable ou une feuille et un papier. Du moment que cela marche ! Ça me suffit.

Pour vos romans, passez-vous beaucoup de temps à vous documenter ? Par exemple, vous êtes-vous inspiré d’une vraie présentatrice de télé réalité pour le personnage de Wendy ou vous êtes-vous renseigné sur les procédures d’enquête policière ?

J’évite de trop me documenter, car sinon je crois que l’on a tendance à étaler son nouveau savoir dans ses livres au détriment du récit. Mon job, c’est de raconter des histoires pas de faire un cours d’histoire. Je ne suis pas un professeur. Si j’écrivais sur un soldat en Afghanistan, bien sûr, je me renseignerais sur la géographie, l’ethnologie… Mais ce n’est pas mon sujet. J’écris sur des gens comme vous et moi.

Vous dîtes souvent que vous préférez avoir écrit qu’écrire. Qu’est-ce que cela signifie ?

J’ai repris à mon compte une citation de Dorothy Parker qui disait très exactement : « Je n’aime pas écrire. J’aime avoir écrit. » Ce que je veux dire, et je le dis pour être honnête, c’est que je prends plaisir à voir que j’ai construit quelque chose. Pour prendre une image, si j’étais un peintre et qu’à la fin de la journée, je n’avais que des tâches de couleur sur ma toile, je ne serais pas satisfait. C’est la même chose pour mes livres. J’aime les avoir écrit. Pas les écrire.

Quand vous commencez un roman, avez-vous la fin en tête ?

 Quasiment toujours. Je ne sais pas comment je vais y arriver, mais j’y vais. Pour prendre encore un exemple, c’est comme si vous vouliez faire New York/Paris, vous pouvez y aller directement en avion en quelques heures ou traverser le monde entier pendant des mois par bateau, par train, en bicyclette… Du moment que vous arrivez à destination. La seule fois où je n’avais pas la fin déjà en tête, c’est lorsque j’ai commencé l’écriture de Dans les bois.

Est-ce que vous vous considérer plutôt comme un story-teller ou un « écrivain » dans le sens français du terme ?

Je suis les deux. Du moins, je l’espère. De toute façon, je ne crois que l’on soit un écrivain si l’on ne sait pas raconter une histoire.

Quand vous débutez une histoire, avez-vous visualisé vos personnages, construit des profils psychologiques avec des fiches, ou…

Je ne connais pas mes personnages avant de me lancer. J’apprends à les connaître au fur et à mesure. Pour Faute de Preuves, je me suis dit : « Bon, si mon personnage était un présentateur de télé réalité, cela pourrait être… Une femme. Ok. Une femme. Elle a un enfant qu’elle élève seul…. » J’avance comme ça.

Vous n’avez pas de modèle en tête ? Je pense aux acteurs François Berléand et Philippe Lefevbre que vous avez mis en scène dans Sans Laisser d’Adresse, votre avant-dernier roman qui se passait en France…

C’est vrai. Mais en fait, François et Philippe ont commencé par incarner des personnages que j’avais imaginés pour Ne Le Dis à Personne que Guillaume Canet a adapté pour le cinéma. Je me les suis en quelque sorte réapproprié. C’était d’ailleurs une expérience très étrange.

Votre sujet de prédilection, c’est l’homme ordinaire, celui qu’on croise dans la rue. Pourriez-vous écrire une histoire à propos d’un tueur en série ?

Je pourrai, mais je choisis de ne pas le faire. Je m’intéresse vraiment aux gens de tous les jours. Dans « Faute de Preuves », vous pourriez croiser mes personnages n’importe où aux Etats-Unis. Ils ne sont pas mauvais ou bons. La plupart du temps, ils essayent de faire au mieux, mais leurs actions les entraînent de l’autre côté du miroir. C’est cela qui m’intéresse, c’est cela que je veux raconter. Mes héros ne sont pas des James Bond.

J’ai lu que vous avez commencé à avoir envie d’écrire des romans policiers après avoir vu un épisode de la série Columbo. Est-ce exact ?

Pas du tout. J’ai vu des épisodes de Columbo quand j’étais gamin ou adolescent, mais cela ne m’a pas donné envie de devenir écrivain. C’est sans doute une rumeur colportée par Internet. En tous cas, vous me permettez de rectifier (sourire).

En ce moment, beaucoup de séries télé comme Mad Men ou Breaking Bad sont encensées pour leur qualité d’écriture. Avez-vous été sollicité par des studios à Hollywood pour en développer une ?

Hollywood est une ville compliquée. Je n’ai toujours pas très bien compris comment elle fonctionnait. Il y a eu un projet de remake de « Ne le dis à personne », mais je ne sais pas où il en est. J’ai plusieurs livres qui ont fait l’objet d’options pour être développé, mais j’ai l’impression que dans cette ville, il y a trente projets mis en route et un seul qui aboutit. Je ne suis donc pas très demandeur. J’ai écrit un jour un pilote avec des amis qui a été acheté, mais il n’a jamais vu le jour.

Comment s’appelait-il ?

Hero Complex.

Vous avez un petit rôle de 8 secondes dans Ne le dis à personne. Si un jour un film était fait sur vous, qui aimeriez-vous voir à l’écran pour vous incarner ?

Je ne peux pas répondre à cette question… Il faudrait quelqu’un de très beau (rires).

Vous êtes un grand fan de Bruce Springsteen, avez-vous songé un jour à écrire un livre dont il serait un des personnages principaux ?

Non, mais c’est une idée. En fait, j’utilise souvent ces chansons pour caractériser mes personnages, et il m’arrive d’utiliser son prénom, Bruce, pour en nommer quelques-uns.

Et vous travaillez en musique ?

Oui, il m’arrive de l’écouter tout en travaillant. Je n’ai pas de règle en la matière. Si ça m’inspire, pourquoi pas ?

Quand vous étiez à l’université, vous aviez pour camarades de futurs écrivains comme Dan Brown, David Foster Wallace. Est-ce que vous faites partie aujourd’hui d’un cercle d’auteurs ?

David Foster s’est suicidé, mais je suis resté en contact avec Dan. Nous nous appelons de temps en temps. On joue au golf aussi. Je fais partie d’une sorte de club, le « Adams Round Table », qu’a fondé Mary Higgins Clark. Il y a aussi Peter James, Lawrence Block… Nous nous voyons régulièrement pour discuter, échanger entre nous. Mais ce qui se dit dans ce club, reste dans le club !

Interview Frédérick Rapilly

 

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* « Faute de Preuves », Editions Belfond, 21 E 

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