Estelle Surbranche : « J’ai commencé mon roman sur des cartons à pizza… »

INTERVIEW. Fan de glisse et de musique techno, cette journaliste et DJ (ex membre du collectif Girls’n’ Rose et résidente au Ritz sous le nom d’Estelle S.) est l’auteur d’Ainsi vint la nuit. Un premier polar percutant suivant la trajectoire funeste de deux surfers parisiens qui découvrent par hasard 7 kilos de cocaïne sur une plage du pays basque. En chemin, ils croiseront une flic, Gaby, et une tueuse, véritable machine de guerre venue des ex-Pays de l’Est, Nathalie. Confidences avec une romancière qui n’hésite pas à invoquer Satan (c’est une blague !) pour trouver l’inspiration.

Quelles étaient les premières lectures dont tu te souviens ?

Le premier souvenir qui me vient en tête, c’est La Bicyclette Bleue de Régine Desforges. Je le lis et je me dis que c’est un gros pompage d’Autant en emporte le vent… Ca m’a marqué. A 12, 13 ans, j’étais un vrai rat de bibliothèque. Je dévorais tout ce qui me tombait entre les mains, comme Le Portrait de Dorian Gray (d’Oscar Wilde).

Etais-tu du genre bonne élève au collège, au lycée ?

Pas vraiment, à part en Français… A 16 ans, j’étais surtout fan de musique, à fond dans les rave parties que je commençais à organiser avec amis sous le nom de Spiral Size du côté d’Annecy où je vivais. C’était un peu sauvage, dans un garage souterrain… J’écoutais beaucoup de rock indé, les Pixies, de la techno, et des trucs noisy comme My Bloody Valentine avec l’album Loveless. Nirvana aussi ! J’avais soif d’expériences nouvelles, comme tous les jeunes. Je voulais voir des groupes, monter des soirées… Annecy était proche de la Suisse où il y avait une grosse scène techno, et de Grenoble avec The Hacker, Miss Kittin, Kiko, Oxia, Agoria. A l’époque, j’évoluais plutôt dans cet univers qui m’attirait que celui des livres.

Et tes parents ? De grands lecteurs ?

Pas vraiment. Ma mère était femme au foyer, et plutôt fan de sports. Et mon père travaillait dans la pub. Il y avait surtout beaucoup de magazines à la maison. J’ai eu mon bac de Français avec une note très moyenne. D’ailleurs, je ne m’en souviens pas. Ecrire des livres ? Je n’y pensais pas vraiment. Par contre, je voulais absolument devenir journaliste. J’ai fait une prépa pour Sciences Po, et c’est là que j’ai commencé à écrire dans le magazine de la fac.

Racontais-tu facilement des histoires aux autres ?

J’avais surtout le fantasme de raconter des histoires, mais pas de vrai déclic. J’ai un monde imaginaire assez complexe. Je rêve beaucoup. Tu me mets dans un coin, tranquille, et ça me suffit pour me faire des films. Pas besoin d’écrire.

Est-ce que tu lisais/lis beaucoup ? Et quels genres de littérature ?

Un peu de tout mais beaucoup de thrillers, et beaucoup de documents. Quand j’écris, j’essaie d’être au plus proche de la réalité. Ca me guide, et ça me rassure.

Comment t’est venue l’idée d’Ainsi vint la nuit ?

Je fais du surf, du côté de Biarritz. En 2003, de la cocaïne est arrivée sur les plages du pays basque et des Landes. Tout le monde en parlait. J’ai vu le truc en direct, et je me suis demandé : « Et moi, qu’est-ce que j’aurai fait si j’en avais trouvé ? Et qu’est-ce qui fait que l’on devient « méchant » ? » Voilà mon déclic… Plus tard, à Ibiza où j’étais en vacances, je me suis retrouvé dans un club techno, le Space, dans une ambiance très oppressante. Il y avait beaucoup d’Anglais dans un sale état. Je ne me sentais pas bien, trop de gens défoncés autour de moi… J’ai filé backstage, là où il y avait l’infirmerie et j’ai eu l’impression de me retrouver devant la 4ème bouche de l’enfer avec des gens qui vomissaient. Il fallait que je raconte ça. Tout de suite ! J’ai chopé huit cartons de pizza et j’ai commencé à écrire. Mes amis m’ont pris pour une folle.

Pour construire ce premier roman, as-tu consulté des manuels d’écriture comme cela se fait beaucoup dans les pays anglo-saxons ?

Non, mais j’aurai peut-être dû. Il m’a fallu cinq ou six ans entre les cartons de pizza et le jour où j’ai écrit le mot « FIN. » J’ai trouvé un éditeur (La Tengo) qui m’a beaucoup fait retravaillé, notamment les rebondissements nécessaires à chaque chapitre. Je m’étais un peu laissée aller au fil de la plume. Le défaut de tous les débutants.

As-tu mis en place des rituels d’écriture au fil du temps ?

Alors, oui… J’invoque Satan, j’allume des bougies, et je sacrifie une jeune vierge. Dans le désordre. Et non, aucun rituel, à part le besoin de prendre plein d’informations un peu partout. Je suis comme une éponge, je m’imprègne, je vole… Jusqu’à ce que… Et là, j’y vais. Et ça sort !

Et tes personnages ? Sont-ils de pures inventions ou tirés en partie du réel ?

Je m’inspire de « vrais » gens. Mais ce sont plutôt des « réunions », des mélanges de personnes que j’ai pu côtoyer. Je fais aussi beaucoup appel à mon imagination. Pour les scènes de torture, c’est mon cerveau qui se projette. C’est d’ailleurs assez douloureux, car je me glisse dans la peau des personnages. Comme s’ils étaient en vie. Parfois, c’est fatiguant.

Est-ce que tu écris en musique ?

Oui, mais la musique que je vais mettre en fond sonore dépend de ce que je m’apprête à raconter. Cela va de la techno hardcore au pianiste Keith Jarret.

Où écris-tu ?

Partout. Et souvent en voyage. J’aime bien la sensation.

Quand as-tu décidé qu’Ainsi vint la nuit serait la première partie d’une trilogie et non pas un simple one-shot ?

Au milieu du processus d’écriture. J’avais trop de choses à raconter. Souvent dans un premier roman, tu veux tout mettre. Je voulais que mes deux héroïnes, Gaby la flic et Nathalie la tueuse, soient des personnages qui cherchent la lumière. J’ai beaucoup traîné à Biarritz et dans les environs pour que le récit soit le plus cohérent possible.

Que peux-tu dévoiler de la suite ?

Le deuxième tome devrait sortir en mars. Il se déroule à Paris. On sort du monde du surf et de Biarritz. L’histoire sera centrée sur Gaby et Nathalie. Elles ont des choses à régler. Et Gaby va devoir affronter un fou, une sorte de pervers narcissique qui tuent les femmes en les rendant folles.

Propos recueillis par Frédérick Rapilly (mai 2015)

* Ainsi vint la nuit, éditions La Tengo, 352 pages

Estelle Surbranche : « J’ai commencé mon roman sur des cartons à pizza… »

Miss Kittin - Frank Sinatra (Video)

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J
Excellent j'adore, tout ce qui touche au bouquin, aux personnages et à l'écriture. A lire, sans faute.<br /> JOB
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