Chiens Enragés / Marc Charuel
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Ca raconte quoi ?
Mars 2011. Sébastien Verdier va être libéré. Cela fait dix ans qu’il (sur)vit en prison, condamné pour trafic de stupéfiants et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Pour les islamistes, il est Abdelaziz le converti. Pour la société, il est un renégat, un traître. Pour sa famille aussi. Mais Sébastien est peut-être bien quelqu’un d’autre, un agent double, triple… Le sait-il vraiment après tout ce temps ? Et « dehors », est-ce que son officier traitant à la DGSE, le colonel Rateau, celui pour lequel il s’est mouillé jusqu’à abandonner sa famille, beaucoup par appât du gain, un peu par patriotisme, est toujours en place ? 2001-2011 : dix ans sont passés depuis les attentats du 11 septembre. En mars 2011, Ben Laden est encore en vie, et dans les montagnes d’Afghanistan, trois djihadistes guidés par des moudjahidines se hâtent vers l’Europe, la France. L’un d’eux est porteur d’un message. Le futur testament d'Oussama Ben Laden. Sébastien « Abdelaziz » Verdier, l'ancien cadre commercial, va devoir renouer avec sa famille et héberger l’envoyé d'Al-Qaïda. Sans se douter que l’horreur est sur le point de se déclencher… Un journaliste, George Chesnier, va s'immiscer dans le processus.
Et c’est comment ?
Noir. Absolument noir. Pour son 3ème thriller (après "Le Jour où tu dois mourir", "Les Soldats de papier"), Marc Charuel entraîne par strates son lecteur dans les dessous complexes du monde de l’espionnage, de la manipulation, et des réseaux islamistes. Un univers où personne n'est vraiment celui qu'il prétend être, où la raison d'Etat peut d'un coup tout balayer sur son passage, où la mort est souvent au rendez-vous. Les passages en Afghanistan sonnent particulièrement authentiques (et c’est bien normal puisque l’auteur s’est rendu sur place en tant que reporter…), tout comme ceux qui se déroulent en proche banlieue parisienne (du côté de Nanterre). La violence est présente. Elle sourd à toutes les pages. Se déclenchant de façon brutale. Inattendue. Là, c'est une jeune mariée chrétienne qui se fait lapider après avoir été prise de force toute une nuit. Plus loin, une vieille musulmane suppliciée d'une façon abominable en France pour lui soutirer quelques informations... On se sent happé par ce récit tendu, incroyable, jouant habilement sur le temps (2001/2011), et alternant avec brio les points de vue. D’avance, on sent que la fin n’aura rien d’un happy end. On l’espère aussi. D'autant que Marc Charuel évite les poncifs du genre, laissant à ses personnages leur part d'humanité, celle de héros ordinaires. Un thriller, mais aussi un roman noir, qui détonne par son arrière-plan particulièrement documenté, et la sensation d'effroi dans lequel il abandonne le lecteur après que celui-ci ait tourné la dernière page.
Frédérick Rapilly
Cote d’amour = 80 %
THRILLER. Albin Michel, 22 E, 556 pages